"Delphine Rochet a interviewé pour vous le Dr Frédéric Rosenfeld, Médecin psychiatre à la Clinique Lyon Lumière et auteur du livre Méditer c’est se soigner.
Diplômé en neurosciences et en thérapies comportementales et cognitives, il allie ses compétences de chercheur à son expérience auprès de ses patients.
Il possède une grande expérience en matière d’applications cliniques de la méditation et a joué un rôle majeur dans la diffusion de ces applications en France, notamment avec la publication de son livre Méditer c’est se soigner.
Il pratique depuis plusieurs années la méditation vipassana, le zen et le taï chi.

D.R. : En bref, comment définiriez-vous le pratique de la méditation de la Pleine Conscience ?
F.R. : La pleine conscience c’est une thérapeutique d’abord, définie par Jon Kabat-Zinn comme un art de prêter attention aux choses selon trois modes : de façon intentionnelle, dans l’instant présent et sans porter de jugement sur les choses.
  • Intentionnelle, dans le sens où cet exercice demande un effort de concentration : ce n’est pas une rêverie solitaire, c’est un exercice actif.
  • Dans l’instant présent, c’est-à-dire en essayant d’accueillir ce qui vient instant après instant, sans chercher à fuir les éléments négatifs et sans avidité ou tentative de retenir en soi les choses agréables.
  • Et sans jugement, c’est-à-dire en acceptant ce qui vient à la conscience instant après instant, sans se crisper sur ce qui est agréable ou suave ; et sans chercher à éviter ce qui est pénible.
D.R. : Pour quels troubles selon vous est-ce utile et pourquoi ?
F.R. : En premier lieu, ça a été inventé pour le stress : La MBSR ou Mindfulness Based Stress Reduction est une technique de réduction du stress physique et psychique.
Puis il y a eu des indications beaucoup plus larges et des études ont montré que c’était efficace pour des affections corporelles.
La Mindfulness est donc notamment efficace pour des pathologies telles que l’hypertension artérielle, le psoriasis, la gestion de la douleur physique, les acouphènes (bourdonnements d’oreille). Il a aussi était démontré que cette technique renforce l’immunité car les globules blancs deviennent plus efficaces à défendre l’organisme. Chez les sportifs, méditer permet d’augmenter les performances sportives.
Mais c’est également efficace en tant que méthode de soutien pour les patients souffrant de maladies comme le cancer et le sida, car méditer peut être une aide importante pour gérer le stress dans les maladies graves ou les fins de vie.
La Méditation a aussi été utilisée dans les écoles, les prisons et les entreprises pour gérer le stress et augmenter la performance chez les étudiants.

D.R. : J’ai entendu dire que certaines études avaient mis en avant des effets positifs de la méditation pour le trouble bipolaire ?

F.R. : Plusieurs études américaines montrent que la MBSR modifie le fonctionnement du cerveau au niveau de la zone impliquée dans les émotions. Concernant le trouble bipolaire en particulier, des études sont en cours pour ces affections, cherchant à montrer comment la Mindfulness peut aider à gérer les virages de l’humeur.
D.R. : Et pour la dépression ?

F.R. : Il existe une thérapie qui consiste en une association de la Mindfulness avec les TCC (Thérapies cognitivo-comportementales). Cette technique est nommée la MBCT (Mindfulness-Based Cognitive Therapy), créée en 1994 et qui marche pour la dépression.
Cette thérapie ne va pas être intéressante chez les gens qui sont dans la dépression, mais sera utile pour ceux qui en sont sortis et qui ne veulent pas rechuter. Plus précisément, la MBCT est efficace pour les gens qui ont fait au moins trois dépressions dans leur vie, en tant qu’elle aide à stabiliser leur bien-être, et qu’elle peut être un moyen, s’ils le désirent et en accord avec leur médecin, pour arrêter le traitement médicamenteux.
D.R. : Alors quelle est la différence entre la MBCT et la MBSR ?

F.R. : La MBCT insère des techniques propres aux TCC qu’il n’y a pas dans la MBSR pure comme l’observation des pensées, les techniques de résolution et d’autogestion des problèmes. De plus, la MBCT s’adresse précisément à la prévention de la dépression.
Pendant certains groupes, on enseigne des techniques. On pose par exemple la question : Comment prendre soin de moi au mieux ? Et nous apprenons aux patients à trouver des solutions, des stratégies pour dépasser leurs difficultés.

D.R. : Pourquoi la Mindfulness se décline aussi facilement à tant de traitements différents ?

F.R. : Toutes ces pathologies ont probablement un facteur commun sur le plan psychologique et biologique : le stress, la tension nerveuse. En jouant sur ce facteur, on peut avoir une action plurifocale sur les maladies et le stress dans un sens très large.
D’autre part, il y a une demande de la part du public de guérir de façon plus naturelle. En effet, sur un plan plus philosophique, on se rend compte que le corps et l’esprit ne sont pas séparés.
Comme le dit un de mes maîtres, le Docteur Jean Cottraux : « pensées et émotions sont les deux faces d’une même feuille de papier ».
Enfin, cette méthode donne des preuves scientifiques de son efficacité et peut être entendue par le monde médical. Il est désormais acquis qu’en agissant sur le psychisme, on a une efficacité sur la douleur et que c’est un facteur de succès.
D.R. : Qu’est-ce que cette pratique vous a apporté dans votre vie ?

F.R. : Disons que ça me met en joie de réaliser qu’il y a une technique qui réunit le corps et l’esprit, et qui peut aider les gens à aller mieux. Je suis content parce que c’est un partage, une communion, un échange, entre un versant médico-scientifique d’une part, et celui de la conscience, de la psyché d’autre part.
Ce dialogue entre ces 2 domaines est fructueux parce qu’il donne naissance, en fin de compte, à une technique de soin qui marche ! C’est certainement une première marche vers d’autres outils de soin qui viendront dans le futur.
Mais cette technique me met en joie aussi parce qu’elle ne demande pas de prescrire de médicaments et que, dans une certaine mesure, le patient devient son propre thérapeute. Il sollicite son guérisseur intérieur !
Méditer, c’est se soigner de Frédéric Rosenfeld, éditions Les Arènes
Bon weekend en pleine conscience,
Delphanne"