Cet article fait la une de couverture du journal "Bouddhisme Actualités" numéro 116, septembre 2009.
La méditation sort du cadre traditionnel qui était resté le sien depuis sa découverte par le Bouddha historique, il y a 2500 ans. Le monde entier commence à découvrir les bienfaits de la pratique de l’attention et de la présence, et ce quel que soit le milieu socio-professionnel, des relations d’affaires à la santé en passant par l’éducation. Et si une révolution silencieuse était en marche ?
La méditation, le remède de demain ?
Tous ceux qui ne sont pas bouddhistes mais veulent accéder à plus de présence dans leur vie peuvent se réjouir, car la science occidentale se tourne vers la méditation et confirme ce qu’un bon nombre de pratiquants savait déjà : la méditation guérit. Les bouddhistes ont également motif à l’enthousiasme, car cette découverte, dont notre monde pourrait avoir grandement besoin, leur est rendue de manière intacte mais neuve et inventive. Accessible à tous sans restriction, la pratique de l’attention pourrait être le remède de demain : simple, gratuite, sans effets secondaires. Des recherches scientifiques d’envergure ont démontré son pouvoir de guérison, et les structures de santé s’intéressent sérieusement à elle. Il suffit de trouver quelques minutes de calme et de recueillement chaque jour pour commencer une cure d’un nouveau genre. Certains la connaissent déjà, d’autres pas encore. Voici un tour d’horizon pour présenter la pratique en quelques mots.
Porter attention. Etre présent. Accueillir ce qui vient. Ecouter son corps, sentir ses émotions et voir ses pensées. Laisser place à un espace où respirer et exister, sans rien faire d’autre. Sortir du règne du faire et de l’avoir, pour entrer un instant dans celui de l’être. Retrouver ses sensations, rafraîchir ses perceptions, renouer avec la richesse surprenante du monde. Abandonner les histoires qu’on se raconte sur la réalité pour préférer ce qui est. S’éveiller.
Méditer est une façon éminente d’être en relation à notre propre esprit et à tout ce qui est présent. Non fabriqué, n’attendant que notre participation pour se déployer à sa pleine mesure, le présent est déjà là. Et, chose extraordinaire, il sait quelque chose de notre situation, et ce savoir guérit. C’est à un autre projet de société que nous invite la méditation, considérée comme outil thérapeutique à part entière. Une société guérie d’un de ses symptômes les plus catastrophiques : le manque d’attention, de présence et d’ouverture. « Ce n’est que lorsque nous nous éveillons que notre vie devient réelle et que la possibilité de nous libérer de nos illusions, de nos maladies et de nos souffrances individuelles et collectives s’offre à nous. » souligne Jon Kabat-Zinn.
La pleine conscience contre le stress et la dépression
Docteur en biologie moléculaire originaire des Etats-Unis, Jon Kabat-Zinn enseigne la méditation qui guérit, dont il est un pionnier. Le 10 juin 2009 il a donné à Paris une présentation de l’usage thérapeutique de la méditation bouddhiste. C’est un événement. Imaginez que lors d’une conférence, tous les auditeurs se mettent à pratiquer la méditation, restant immobiles, droits et dignes, en silence dans le moment présent. C’est ce qu’a réussi à faire Jon Kabat-Zinn au Palais de la Mutualité, devant plusieurs centaines de personnes, venues s’informer sur cette approche encore novatrice dans le champ de la santé. Expérience saisissante qui ouvre une perspective nouvelle sur l’usage de la pratique méditative : et si elle sortait de son cadre, passait les bornes qui la restreignent, et s’offrait au plus grand nombre ? Le changement dans notre société, surtout si l’on commençait par les milieux hospitaliers et universitaires, serait bouleversant.
Dès 1979, Jon Kabat-Zinn élabore une approche du soin basée sur la mindfulness, la technique MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction) ou « réduction du stress par la pleine conscience ». Les indications de ce programme d’apprentissage en huit semaines ne cessent de s’élargir. Elle est utilisée pour guérir les troubles dus au stress, pour soulager les douleurs liées aux maladies chroniques, pour en finir avec la dépression, mal occidental du siècle selon l’OMS. Depuis lors, des centaines d’hôpitaux et de cliniques, mais aussi d’écoles, de compagnies industrielles, de prisons ou d’équipes sportives de haut niveau à travers le monde utilisent l’outil de la mindfulness.
Rendre visite à l’instant présent
Une fois reconnue dans sa nécessité, la présence s’apprend et se cultive. L’Association pour le Développement de la Mindfulness (ADM) est une jeune association créée pour soutenir le mouvement initié par Jon Kabat-Zinn et favoriser l’essor de la pratique de la méditation de pleine conscience dans les pays francophones. Comme le note Claude Maskens, présidente de l’ADM et traductrice des ouvrages concernant la mindfulness aux éditions De Boeck, le terme même de « mindfulness » est d’un usage courant en anglais mais difficile à rendre dans notre langue. C’est pourquoi l’association a fait le choix de garder ce mot anglais, qui signifie être attentif, porter attention et est parfois rendu par « méditation de pleine conscience ». Il s’agit d’une attention ouverte qui permet d’avoir rapport au monde dans toute sa plénitude et de retrouver la fraîcheur de ses sensations.
Jon Kabat-Zinn insiste sur ce point dans son livre L'éveil des sens : la méditation apporte plus de présence au monde. « Prendre le temps de s’asseoir et de rendre visite à l’instant présent sans ornement est un geste de grand courage. » C’est au courage de se retrouver soi-même qu’appelle la méditation, et c’est le défi qui est lancé à travers la pratique de la pleine conscience. Que l’aventure puisse se poursuivre vers le spirituel n’est pas exclu, car elle finit par englober l’existence entière ; mais l’approche de la mindfulness est purement laïque, détachée de toute croyance, centrée sur la personne. Avoir confiance dans le pouvoir de l’être humain de faire face à la souffrance, avec courage et honnêteté, et découvrir un au-delà de la peine par ce geste même d’attention, voilà qui aujourd’hui peut apparaître comme proprement révolutionnaire.
Bibliographie
Jon Kabat-Zinn, L’éveil des sens. Vivre l’instant présent grâce à la pleine conscience, Editions des Arènes, 2009
Au cœur de la tourmente, la pleine conscience, De Boeck, 2009
Dr Frédéric Rosenfeld, Méditer, c’est se soigner, Les Arènes, 2007
Zindel V. Segal et al. La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression, De Boeck, 2006
La rubrique Psychologie et Méditation
Dès le numéro de septembre 2009, « Bouddhisme Actualités » vous propose une rubrique dédiée aux rapports entre bouddhisme et psychologie, entre méditation et thérapie, entre spiritualité et soin de la psyché. Chaque mois, un article écrit par Nicolas D’Inca, psychologue clinicien, thérapeute, licencié en philosophie. Pratiquant la méditation depuis une dizaine d'années, il étudie au sein de l’association Prajña et Philia, dont il organise les soirées de méditation à Paris.
La méditation sort du cadre traditionnel qui était resté le sien depuis sa découverte par le Bouddha historique, il y a 2500 ans. Le monde entier commence à découvrir les bienfaits de la pratique de l’attention et de la présence, et ce quel que soit le milieu socio-professionnel, des relations d’affaires à la santé en passant par l’éducation. Et si une révolution silencieuse était en marche ?
La méditation, le remède de demain ?
Tous ceux qui ne sont pas bouddhistes mais veulent accéder à plus de présence dans leur vie peuvent se réjouir, car la science occidentale se tourne vers la méditation et confirme ce qu’un bon nombre de pratiquants savait déjà : la méditation guérit. Les bouddhistes ont également motif à l’enthousiasme, car cette découverte, dont notre monde pourrait avoir grandement besoin, leur est rendue de manière intacte mais neuve et inventive. Accessible à tous sans restriction, la pratique de l’attention pourrait être le remède de demain : simple, gratuite, sans effets secondaires. Des recherches scientifiques d’envergure ont démontré son pouvoir de guérison, et les structures de santé s’intéressent sérieusement à elle. Il suffit de trouver quelques minutes de calme et de recueillement chaque jour pour commencer une cure d’un nouveau genre. Certains la connaissent déjà, d’autres pas encore. Voici un tour d’horizon pour présenter la pratique en quelques mots.
Porter attention. Etre présent. Accueillir ce qui vient. Ecouter son corps, sentir ses émotions et voir ses pensées. Laisser place à un espace où respirer et exister, sans rien faire d’autre. Sortir du règne du faire et de l’avoir, pour entrer un instant dans celui de l’être. Retrouver ses sensations, rafraîchir ses perceptions, renouer avec la richesse surprenante du monde. Abandonner les histoires qu’on se raconte sur la réalité pour préférer ce qui est. S’éveiller.
Méditer est une façon éminente d’être en relation à notre propre esprit et à tout ce qui est présent. Non fabriqué, n’attendant que notre participation pour se déployer à sa pleine mesure, le présent est déjà là. Et, chose extraordinaire, il sait quelque chose de notre situation, et ce savoir guérit. C’est à un autre projet de société que nous invite la méditation, considérée comme outil thérapeutique à part entière. Une société guérie d’un de ses symptômes les plus catastrophiques : le manque d’attention, de présence et d’ouverture. « Ce n’est que lorsque nous nous éveillons que notre vie devient réelle et que la possibilité de nous libérer de nos illusions, de nos maladies et de nos souffrances individuelles et collectives s’offre à nous. » souligne Jon Kabat-Zinn.
La pleine conscience contre le stress et la dépression
Docteur en biologie moléculaire originaire des Etats-Unis, Jon Kabat-Zinn enseigne la méditation qui guérit, dont il est un pionnier. Le 10 juin 2009 il a donné à Paris une présentation de l’usage thérapeutique de la méditation bouddhiste. C’est un événement. Imaginez que lors d’une conférence, tous les auditeurs se mettent à pratiquer la méditation, restant immobiles, droits et dignes, en silence dans le moment présent. C’est ce qu’a réussi à faire Jon Kabat-Zinn au Palais de la Mutualité, devant plusieurs centaines de personnes, venues s’informer sur cette approche encore novatrice dans le champ de la santé. Expérience saisissante qui ouvre une perspective nouvelle sur l’usage de la pratique méditative : et si elle sortait de son cadre, passait les bornes qui la restreignent, et s’offrait au plus grand nombre ? Le changement dans notre société, surtout si l’on commençait par les milieux hospitaliers et universitaires, serait bouleversant.
Dès 1979, Jon Kabat-Zinn élabore une approche du soin basée sur la mindfulness, la technique MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction) ou « réduction du stress par la pleine conscience ». Les indications de ce programme d’apprentissage en huit semaines ne cessent de s’élargir. Elle est utilisée pour guérir les troubles dus au stress, pour soulager les douleurs liées aux maladies chroniques, pour en finir avec la dépression, mal occidental du siècle selon l’OMS. Depuis lors, des centaines d’hôpitaux et de cliniques, mais aussi d’écoles, de compagnies industrielles, de prisons ou d’équipes sportives de haut niveau à travers le monde utilisent l’outil de la mindfulness.
Rendre visite à l’instant présent
Une fois reconnue dans sa nécessité, la présence s’apprend et se cultive. L’Association pour le Développement de la Mindfulness (ADM) est une jeune association créée pour soutenir le mouvement initié par Jon Kabat-Zinn et favoriser l’essor de la pratique de la méditation de pleine conscience dans les pays francophones. Comme le note Claude Maskens, présidente de l’ADM et traductrice des ouvrages concernant la mindfulness aux éditions De Boeck, le terme même de « mindfulness » est d’un usage courant en anglais mais difficile à rendre dans notre langue. C’est pourquoi l’association a fait le choix de garder ce mot anglais, qui signifie être attentif, porter attention et est parfois rendu par « méditation de pleine conscience ». Il s’agit d’une attention ouverte qui permet d’avoir rapport au monde dans toute sa plénitude et de retrouver la fraîcheur de ses sensations.
Jon Kabat-Zinn insiste sur ce point dans son livre L'éveil des sens : la méditation apporte plus de présence au monde. « Prendre le temps de s’asseoir et de rendre visite à l’instant présent sans ornement est un geste de grand courage. » C’est au courage de se retrouver soi-même qu’appelle la méditation, et c’est le défi qui est lancé à travers la pratique de la pleine conscience. Que l’aventure puisse se poursuivre vers le spirituel n’est pas exclu, car elle finit par englober l’existence entière ; mais l’approche de la mindfulness est purement laïque, détachée de toute croyance, centrée sur la personne. Avoir confiance dans le pouvoir de l’être humain de faire face à la souffrance, avec courage et honnêteté, et découvrir un au-delà de la peine par ce geste même d’attention, voilà qui aujourd’hui peut apparaître comme proprement révolutionnaire.
Nicolas D’Inca
Bibliographie
Jon Kabat-Zinn, L’éveil des sens. Vivre l’instant présent grâce à la pleine conscience, Editions des Arènes, 2009
Au cœur de la tourmente, la pleine conscience, De Boeck, 2009
Dr Frédéric Rosenfeld, Méditer, c’est se soigner, Les Arènes, 2007
Zindel V. Segal et al. La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression, De Boeck, 2006
La rubrique Psychologie et Méditation
Dès le numéro de septembre 2009, « Bouddhisme Actualités » vous propose une rubrique dédiée aux rapports entre bouddhisme et psychologie, entre méditation et thérapie, entre spiritualité et soin de la psyché. Chaque mois, un article écrit par Nicolas D’Inca, psychologue clinicien, thérapeute, licencié en philosophie. Pratiquant la méditation depuis une dizaine d'années, il étudie au sein de l’association Prajña et Philia, dont il organise les soirées de méditation à Paris.
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