Un psychologue méditant explore ces deux mondes de l'esprit

A l’heure où la méditation touche le grand public et n’est plus réservée à une élite engagée sur une voie spirituelle orientale mais s’inscrit dans le champ de la santé mentale, la nouvelle génération de psychologues se trouve à la croisée des mondes. La pratique de la simple présence rencontre le soin psychique. La méditation alliée à la psychologie ouvrirait-elle un nouvel espace thérapeutique, une nouvelle entente de l’être humain plus profonde, plus juste, plus directe ?
Ce blog en est la recherche vivante.

jeudi 2 septembre 2010

Au-delà du moi, la liberté ? Bouddhisme et Psychanalyse

Evénement

Le 27 novembre 2010, Paris attend un heureux évènement : la rencontre de sommités du monde psychanalytique et du monde bouddhiste. Si les pays anglo-saxons ont très tôt connu des rencontres interdisciplinaires fécondes entre bouddhisme et psychanalyse, autour d’Erich Fromm et D.T. Suzuki notamment, puis de Trungpa, Searles, Laing et Podvoll, la France a suffisamment attendu. L’arrivée nouvelle des techniques de méditation adaptées à la santé globale (somatique et psychique) dans notre pays accélère sans doute un mouvement d’ouverture déjà entamé du côté des penseurs. Il suffit pour s’en convaincre de voir l’excellent colloque Bouddhisme et Philosophie qui s’est tenu à la Cité Universitaire Internationale de Paris en 2005, (disponible chez Nangpa diffusion).

Le colloque intitulé « Au-delà du moi, la liberté ? Psychanalyse, Philosophie et Méditation » est un événement en plusieurs sens. D’abord, il signe la fin d’une mise à l’écart de la dimension spirituelle au profit du seul point de vue scientifique comme voie de connaissance de l’homme. L’université intègre petit à petit l’existence d’autres discours que le sien propre, tout aussi valides et solidement fondés dans l’expérience. Par ailleurs, les psychanalystes, qui communiquent rarement en-dehors de leur sphère qu’on leur reproche à juste titre de garder close, se prêtent au jeu de la rencontre et du débat. D’éminents représentants des principaux courants psychanalytiques en France, organisés autour des trois figures majeures que sont Freud, Lacan et Jung, acceptent la confrontation critique et constructive autour d’un sujet difficile : le moi.

Argument

De nos jours, les discours sur le sujet et sa nécessaire sauvegarde face à un monde devenu technique et déshumanisant sont monnaie courante. Il nous faut engager une réflexion plus radicale encore, qui va à la base même de cette notion de sujet et répondre à cette question : « Au-delà du moi, la liberté ? »

Les inventeurs de la psychanalyse au XXe siècle, de Freud à Lacan en passant par Jung, ont tous tenté une sortie hors de la conception étroite de la subjectivité. Les notions d’inconscient, de Soi opposé au moi, de sujet clivé par le désir – autant de manières de dire l’impossibilité à saisir l’essence du psychisme humain et à le classer du côté d’un ego. En philosophie, le moi est avec l’ego cogito de Descartes, la référence autour de laquelle s’articule notre appréhension moderne de la psyché. Est-ce le seul horizon de notre pensée ?

La méditation en propose l’épreuve, il n’y a rien de tel chez l’homme qu’un moi, qu’une âme existant réellement. La pensée bouddhiste soutient l’absence de solidité des phénomènes et l’ouverture première de l’homme, avant toute détermination en « moi » et « l’autre ».

Psychanalyses, philosophies d’Orient et d’Occident, quel dénominateur commun, dans leur entente de l’homme au-delà du moi, qui en préserve une vérité libre de tout enfermement ? Un dialogue peut-il s’articuler ? La méditation peut-elle être thérapeutique, comme l’est la cure analytique ? Lors d’une journée de colloque organisée par l’association Jeunes&Psy, des psychanalystes, des philosophes, des enseignants de méditation confrontent leur point de vue sur la question du moi.


Intervenants

Michel Cazenave est philosophe et poète, directeur du Centre d’Etudes et de Recherche Francophone Carl Gustav Jung. Il est bien connu des auditeurs de France Culture pour son émission Les vivants et les dieux qu’il a produite pendant près de douze ans. Son intervention portera sur : « Relecture de Jung. Le nécessaire dépassement du complexe du moi (Jung et la pensée orientale) ».

Alain Gaffinel est médecin, praticien hospitalier en réanimation, il pratique la méditation depuis une dizaine d’années. Lors de la journée, il donnera des éléments de réponse à la question : « La méditation est-elle une thérapie ? » qui interpelle autant les pratiquants que ceux qui n’ont jamais eu d’expérience de la méditation.

Jean-Luc Giribone est écrivain, éditeur en sciences humaines au Seuil. Il a joué un rôle crucial dans l’introduction de l’école de Palo-Alto en France et, élève de l’ENS, a longtemps suivi les Séminaires de Lacan. Il proposera un dialogue entre deux auteurs majeurs, sans doute les plus importants dans leur domaine respectif en cette deuxième moitié du XXe siècle : « A la recherche du moi : lecture croisée de Chögyam Trungpa et de Jacques Lacan ».

Fabrice Midal est docteur en philosophie, éditeur, bien connu du monde bouddhiste pour être un de ses représentants francophones les plus novateurs, dans son interrogation constante de la tradition du dharma à la lumière de la philosophie et de la poésie. Auteur de nombreux ouvrages dont « Quel bouddhisme pour l’Occident ? », Seuil, 2006, il a fondé l’association Prajña & Philia où il enseigne la méditation. Il éclairera la notion de moi : « L’ego au sein du bouddhisme. Structure d’une illusion ».

Pierre Sullivan est membre titulaire de la prestigieuse Société Psychanalytique de Paris, institution fondée en 1926 du vivant de Freud et avec son appui. Maître de conférence à l’Institut de Psychologie de l’Université Paris V René Descartes, où aura lieu le colloque, il est également directeur de la revue La Psychiatrie de l’Enfant. Il illustrera cette formule : « Moi, Moi, Moi » en montrant comment la psychanalyse freudienne permet un dépassement de cette instance nécessaire mais trompeuse qu’est l’ego.

Jean-Jacques Tyszler, dernier mais non des moindres d’une liste d’intervenants reconnus dans leur domaine, est psychanalyste, psychiatre, président de l’Association Lacanienne Internationale, la plus grande école française issue de l’enseignement de Lacan. Il a pour tâche de rendre audible la pensée analytique parfois méconnue sur la question du sujet : « Y a-t-il un sujet de l’Inconscient ? Sujet dénaturé par la pulsion, sujet divisé par le fantasme ou objet cause du désir… ».

Ce moment fort de l’année 2010 est ouvert à tous, et n’est à rater sous aucun prétexte. Les lecteurs de la rubrique Psychologie & Méditation y retrouveront nombre des sujets qui leur tiennent à cœur, dans une réflexion conjointe entre bouddhisme et psychanalyse. Soulignons à nouveau que c’est une opportunité unique à ce jour pour la pensée, une grande première dans l’Hexagone, dont on peut souhaiter que l’initiative sera reprise par d’autres et engagera véritablement une mise en lumière de ces deux traditions, dans le respect de leur différence.


Nicolas d’Inca


cf Michel Cazenave in Bouddhisme Actualités N°118 « Un autre visage de Jung » et N°119 « Jung et la spiritualité »
cf Fabrice Midal in B.A. N°121 « Le bouddhisme et l’amour »

Colloque, infos pratiques

Au-delà du moi, la liberté ? aura lieu à l’Institut de Psychologie Henri Piéron (Université Paris V, Boulogne-Billancourt) le samedi 27 novembre 2010.

Article paru dans Bouddhisme Actualités, N°127 Septembre 2010
Photo ©manuelaböhme

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