Bien sûr, chacun peut se demander : mais quel rapport y a-t-il entre la méditation assise développée par le Bouddha, la pratique thérapeutique de la psychologie et la réflexion philosophique ? Le point qui me paraît central dans ces trois approches, la ligne de mire qui les rassemble malgré de réelles divergences, est qu’elles permettent le dépassement de l’ego. Elles vont au-delà de l’ego.
On pourrait objecter qu’un usage à sens unique du terme d’ego ne peut pas rendre compte de la diversité de ces traditions. Certes, elles sont d’une grande subtilité qui ne se laisse pas résumer en quelques mots. Toutefois, et limitons-nous à cela pour l’instant, l’ego peut être simplement défini comme ce qui restreint l’ampleur du réel. Chaque fois que je ne vois plus la situation présente, mais réfléchis à l’usage que je peux en faire, à l’intérêt que j’y trouve, à ce qu’elle me rappelle, bref si je regarde comment elle est par rapport à moi, il y a de fortes chances que je sois passé à côté de la réalité.
La phénoménologie, parmi les nombreuses ressources qu’elle offre, permet de distinguer la pensée calculante de la pensée méditante. L’une enferme le réel dans des catégories, sécurisant l’existence à l’extrême tout en l’amoindrissant jusqu’à n’être plus qu’un concept. La seconde rend au monde et à l’esprit, que rien ne sépare à la manière d’un écran, leur dimension ouverte. La présence en est la caractéristique la plus propre et il est à noter qu’un effort soutenu en est le gage.
Le bouddhisme, par la non-saisie et la perception pure qu’implique la pratique de la méditation, rejoint par l’expérience cette vision. La discipline de l’ouverture est un travail qui s’apprend patiemment jour après jour. L’esprit du débutant est l’écho de la fraîcheur du monde qui n’est jamais, d’avance, déjà connu. Par là, l’espace se découvre.
Quant à la psychologie, qu’est-elle en son fond sinon le désir de sortir de la souffrance causée par nos enfermements mentaux ? Notre passé, nos schémas habituels de pensée et de comportement, nos blessures, ou plus exactement l’ignorance dans laquelle nous tenons notre mal-être, tout cela nous coupe de nous-même. Ces barrières psychologiques peuvent nous en éloigner toujours plus sûrement si nous n’avons pas, un jour, le déclic qui nous pousse à entrer dans une écoute bienveillante de la souffrance, afin de rompre ce cycle infernal de répétition du malheur.
Psychologie, philosophie et méditation ont en commun de nous montrer une autre voie, au-delà de l’ego, qui rende à l’existence sa dimension plus libre, plus réelle et plus profonde. Elles permettent d’affronter la peur, l’ombre et la nuit, tous ces coins sombres que l’on préférerait tenir secrets ; et de soutenir aussi le grand jour du réel où les contours sont vifs et clairs, sans échappatoire ni désespoir. Nul besoin de se cacher dans un cocon : l’ego est une illusion passagère, quoi qu’il en soit, et l’intelligence peut briller au travers. Dépasser l’ego, aller dans l’au-delà qui nous ramène enfin ici, reconnaître son absence de solidité est la manière de retrouver un véritable rapport à soi. Cesser de rêver les yeux ouverts, comme si l’existence n’était qu’une répétition avant la représentation générale, mais se réveiller et voir que ça y est, c’est maintenant.
Avec l’espoir que ces pages vous interpellent et vous aident dans votre propre recherche, je vous souhaite une bonne lecture.
Bonjour,
RépondreSupprimerBravo, le visuel est très réussi. et mon commentaire sur le contenu suivra un peu plus tard. bonne continuation!