Par Chögyam Trungpa
Ce que le bouddhisme a vraiment à apprendre au psychologue occidental, c’est la manière de se relier plus étroitement à sa propre expérience et à la fraîcheur, à l’entièreté et à l’immédiateté de cette expérience.
L’expérience directe et la théorie
La psychologie bouddhiste traditionnelle souligne l’importance de l’expérience directe dans le travail psychologique. Si l’on compte uniquement sur la théorie, quelque chose de fondamental est perdu. Du point de vue bouddhiste, l’étude de la théorie est seulement un premier pas. Elle doit être complétée par un entraînement à l’expérience directe de l’esprit lui-même, en soi et chez les autres.
Dans la tradition bouddhiste, cet aspect expérientiel est développé par la pratique de la méditation, observation immédiate de l’esprit. La méditation dans le bouddhisme n’est pas une pratique religieuse mais plutôt une façon de clarifier la véritable nature de l’esprit et de l’expérience. Traditionnellement, l’entraînement à la méditation comporte trois parties : shila (la discipline), samadhi (la pratique de la méditation) et prajna (la connaissance intuitive).
Shila (la discipline) consiste à simplifier sa vie en général et à éliminer les complications inutiles. Pour développer une discipline mentale authentique, il est d’abord nécessaire de voir comment nous nous chargeons continuellement du poids d’activités et de préoccupations superflues. Dans le contexte occidentale séculier, shila implique le fait de cultiver une attitude de simplicité à l'égard de sa vie en général.
Ensuite, il y a samadhi, la méditation, qui est le cœur de l’entraînement expérientiel bouddhiste. Cette pratique consiste à s’asseoir et à porter une attention légère mais consciente au souffle, et ensuite à noter lorsque votre attention n’est plus sur le souffle et donc à l’y ramener comme à un point de repère. On prend une attitude d'attention nue envers les différents phénomènes tels que les pensées, les sensations et les sentiments qui s’élèvent dans l’esprit et dans le corps pendant la pratique. On peut dire que la méditation est un chemin nous menant à l’amitié envers nous-mêmes, car il s’agit d’une expérience de non-agression. En fait, traditionnellement, la pratique de la méditation est appelée « demeurer en paix ». La pratique de la méditation est un chemin permettant de faire une expérience fondamentale de notre être même, au-delà de nos schémas de fonctionnements habituels.
Shila est la base de la méditation et samadhi est le chemin de la pratique. Le fruit en est prajna, ou la connaissance intuitive. Elle commence à se développer grâce à la méditation. Dans l’expérience de prajna, la personne perçoit directement et concrètement comment l’esprit fonctionne réellement, ses mécanismes et ses réflexes à chaque instant. Prajna est traditionnellement appelée la vision discriminante, ce qui ne signifie pas que l’on développe de préférences. Prajna est plutôt la connaissance de son propre monde et de son propre esprit sans aucun préjugé. Prajna discrimine en ce sens qu’elle distingue la confusion et la névrose.
Prajna est une vision immédiate et non-conceptuelle et en même temps, elle donne la première impulsion qui nous inspire pour l’étude intellectuelle. Lorsque quelqu’un a vu comment fonctionne vraiment son propre esprit, il a un désir naturel de clarifier et de mettre en mots ce dont il a fait l’expérience. Cette curiosité est spontanée : comment d’autres personnes ont-elles parlé de la nature de l’esprit ? La connaissance immédiate mène à l’étude mais en même temps, il est nécessaire de maintenir une discipline permanente, un entraînement à la méditation de façon à ce que les concepts ne deviennent jamais uniquement des concepts. Le travail psychologique reste alors vivant, frais et bien enraciné.
Dans la civilisation bouddhiste du Tibet, où je suis né et ai été élevé, un équilibre était toujours maintenu entre la familiarisation avec l’expérience et la théorie. Dans ma propre éducation, on allouait une partie du temps à l’étude et l’autre à la pratique de la méditation. Cela faisait partie de la tradition bouddhiste, où nous pensions qu’un tel équilibre était nécessaire pour qu’un véritable apprentissage ait lieu. Lorsque je suis arrivé en Occident pour étudier à Oxford, en 1963, je fus assez surpris de découvrir qu’en psychologie l’accent est tellement mis sur la théorie au détriment de l’expérience. Bien sûr cela rend la psychologie occidentale immédiatement accessible pour quelqu’un issu d’une autre culture, comme c’était mon cas. Les psychologues occidentaux ne vous demandent pas de pratiquer, mais vous décortiquent leur discipline de A à Z. Une telle approche sans détours fut pour moi un soulagement. D’un autre côté, je m’interrogeais sur la profondeur d’une tradition qui se repose si lourdement sur les concepts et vous ouvre ses portes si facilement.
D’autre part, les psychologues occidentaux semblent reconnaître intuitivement la nécessité de mettre l’emphase sur l’expérience directe de l’esprit. C’est peut-être ce qui pousse tant de psychologues à s’intéresser au bouddhisme. Ces personnes ont l’air d’y chercher ce qui manque dans leurs propres traditions. Cela me frappe, mais cet intérêt est tout à fait approprié. Dans ce sens, le bouddhisme a quelque chose d’important à offrir à la psychologie occidentale.
Une question importante revient toujours quand des psychologues occidentaux commencent à étudier le bouddhisme : « Est-ce qu’il faut devenir bouddhiste pour étudier le bouddhisme ? » La réponse est évidemment que non mais on doit aussi se demander en retour : qu’est-ce que l’on veut apprendre ? Ce que le bouddhisme a vraiment à apprendre au psychologue occidental, c’est la manière de se relier plus étroitement à sa propre expérience et à la fraîcheur, à l’entièreté et à l’immédiateté de cette expérience. Pour cela, on n’est pas obligé de devenir bouddhiste mais on doit pratiquer la méditation. Il est certainement possible d’étudier seulement la théorie de la psychologie bouddhiste mais ce serait passer complètement à côté de son propos. Si on ne se base pas sur sa propre expérience, on ne fait qu’interpréter les notions bouddhistes à travers des concepts occidentaux. Une bonne expérience de la méditation enrichit le travail avec soi et avec les autres. C’est une aide très importante quel que soit l’intérêt que l’on porte au bouddhisme en tant que tel.
Il est parfois très difficile de faire comprendre aux Occidentaux l’importance de la dimension expérientielle. Lorsque j’ai fondé un premier centre de méditation en Ecosse, peu après mon arrivée d’Inde en Angleterre, nous nous sommes rendus compte que beaucoup de gens avec des problèmes psychologiques venaient nous demander de l’aide. Ils avaient déjà essayé toutes sortes de thérapies, et nombre d’entre eux étaient assez névrosés. Ils nous considéraient comme des médecins leur apportant une nouvelle technique médicale, et attendaient de nous la guérison. Dans le travail avec ces personnes, je remarquais un obstacle fréquent. Elles voulaient aborder les choses de manière purement théorique, plutôt que de faire pour de bon l’expérience de leurs névroses, afin d’œuvrer avec elles. Ils préféraient les comprendre intellectuellement : à quel moment cela avait mal tourné pour eux, comment leurs problèmes s’étaient développés puis installés, etc. La plupart du temps, ils refusaient d’abandonner cette approche.
Dans la tradition bouddhiste, cet aspect expérientiel est développé par la pratique de la méditation, observation immédiate de l’esprit. La méditation dans le bouddhisme n’est pas une pratique religieuse mais plutôt une façon de clarifier la véritable nature de l’esprit et de l’expérience. Traditionnellement, l’entraînement à la méditation comporte trois parties : shila (la discipline), samadhi (la pratique de la méditation) et prajna (la connaissance intuitive).
Shila (la discipline) consiste à simplifier sa vie en général et à éliminer les complications inutiles. Pour développer une discipline mentale authentique, il est d’abord nécessaire de voir comment nous nous chargeons continuellement du poids d’activités et de préoccupations superflues. Dans le contexte occidentale séculier, shila implique le fait de cultiver une attitude de simplicité à l'égard de sa vie en général.
Ensuite, il y a samadhi, la méditation, qui est le cœur de l’entraînement expérientiel bouddhiste. Cette pratique consiste à s’asseoir et à porter une attention légère mais consciente au souffle, et ensuite à noter lorsque votre attention n’est plus sur le souffle et donc à l’y ramener comme à un point de repère. On prend une attitude d'attention nue envers les différents phénomènes tels que les pensées, les sensations et les sentiments qui s’élèvent dans l’esprit et dans le corps pendant la pratique. On peut dire que la méditation est un chemin nous menant à l’amitié envers nous-mêmes, car il s’agit d’une expérience de non-agression. En fait, traditionnellement, la pratique de la méditation est appelée « demeurer en paix ». La pratique de la méditation est un chemin permettant de faire une expérience fondamentale de notre être même, au-delà de nos schémas de fonctionnements habituels.
Shila est la base de la méditation et samadhi est le chemin de la pratique. Le fruit en est prajna, ou la connaissance intuitive. Elle commence à se développer grâce à la méditation. Dans l’expérience de prajna, la personne perçoit directement et concrètement comment l’esprit fonctionne réellement, ses mécanismes et ses réflexes à chaque instant. Prajna est traditionnellement appelée la vision discriminante, ce qui ne signifie pas que l’on développe de préférences. Prajna est plutôt la connaissance de son propre monde et de son propre esprit sans aucun préjugé. Prajna discrimine en ce sens qu’elle distingue la confusion et la névrose.
Prajna est une vision immédiate et non-conceptuelle et en même temps, elle donne la première impulsion qui nous inspire pour l’étude intellectuelle. Lorsque quelqu’un a vu comment fonctionne vraiment son propre esprit, il a un désir naturel de clarifier et de mettre en mots ce dont il a fait l’expérience. Cette curiosité est spontanée : comment d’autres personnes ont-elles parlé de la nature de l’esprit ? La connaissance immédiate mène à l’étude mais en même temps, il est nécessaire de maintenir une discipline permanente, un entraînement à la méditation de façon à ce que les concepts ne deviennent jamais uniquement des concepts. Le travail psychologique reste alors vivant, frais et bien enraciné.
Dans la civilisation bouddhiste du Tibet, où je suis né et ai été élevé, un équilibre était toujours maintenu entre la familiarisation avec l’expérience et la théorie. Dans ma propre éducation, on allouait une partie du temps à l’étude et l’autre à la pratique de la méditation. Cela faisait partie de la tradition bouddhiste, où nous pensions qu’un tel équilibre était nécessaire pour qu’un véritable apprentissage ait lieu. Lorsque je suis arrivé en Occident pour étudier à Oxford, en 1963, je fus assez surpris de découvrir qu’en psychologie l’accent est tellement mis sur la théorie au détriment de l’expérience. Bien sûr cela rend la psychologie occidentale immédiatement accessible pour quelqu’un issu d’une autre culture, comme c’était mon cas. Les psychologues occidentaux ne vous demandent pas de pratiquer, mais vous décortiquent leur discipline de A à Z. Une telle approche sans détours fut pour moi un soulagement. D’un autre côté, je m’interrogeais sur la profondeur d’une tradition qui se repose si lourdement sur les concepts et vous ouvre ses portes si facilement.
D’autre part, les psychologues occidentaux semblent reconnaître intuitivement la nécessité de mettre l’emphase sur l’expérience directe de l’esprit. C’est peut-être ce qui pousse tant de psychologues à s’intéresser au bouddhisme. Ces personnes ont l’air d’y chercher ce qui manque dans leurs propres traditions. Cela me frappe, mais cet intérêt est tout à fait approprié. Dans ce sens, le bouddhisme a quelque chose d’important à offrir à la psychologie occidentale.
Une question importante revient toujours quand des psychologues occidentaux commencent à étudier le bouddhisme : « Est-ce qu’il faut devenir bouddhiste pour étudier le bouddhisme ? » La réponse est évidemment que non mais on doit aussi se demander en retour : qu’est-ce que l’on veut apprendre ? Ce que le bouddhisme a vraiment à apprendre au psychologue occidental, c’est la manière de se relier plus étroitement à sa propre expérience et à la fraîcheur, à l’entièreté et à l’immédiateté de cette expérience. Pour cela, on n’est pas obligé de devenir bouddhiste mais on doit pratiquer la méditation. Il est certainement possible d’étudier seulement la théorie de la psychologie bouddhiste mais ce serait passer complètement à côté de son propos. Si on ne se base pas sur sa propre expérience, on ne fait qu’interpréter les notions bouddhistes à travers des concepts occidentaux. Une bonne expérience de la méditation enrichit le travail avec soi et avec les autres. C’est une aide très importante quel que soit l’intérêt que l’on porte au bouddhisme en tant que tel.
Il est parfois très difficile de faire comprendre aux Occidentaux l’importance de la dimension expérientielle. Lorsque j’ai fondé un premier centre de méditation en Ecosse, peu après mon arrivée d’Inde en Angleterre, nous nous sommes rendus compte que beaucoup de gens avec des problèmes psychologiques venaient nous demander de l’aide. Ils avaient déjà essayé toutes sortes de thérapies, et nombre d’entre eux étaient assez névrosés. Ils nous considéraient comme des médecins leur apportant une nouvelle technique médicale, et attendaient de nous la guérison. Dans le travail avec ces personnes, je remarquais un obstacle fréquent. Elles voulaient aborder les choses de manière purement théorique, plutôt que de faire pour de bon l’expérience de leurs névroses, afin d’œuvrer avec elles. Ils préféraient les comprendre intellectuellement : à quel moment cela avait mal tourné pour eux, comment leurs problèmes s’étaient développés puis installés, etc. La plupart du temps, ils refusaient d’abandonner cette approche.
(...)
Le point de vue de la santé
La psychologie bouddhiste est fondée sur la notion que les êtres humains sont fondamentalement bons. Leurs qualités les plus primordiales sont des qualités positives : l’ouverture, l’intelligence et la chaleur. Cette idée prend racine dans l’expérience de la bonté et d’un sentiment de dignité en soi-même et chez les autres. Cette compréhension est vraiment essentielle, elle constitue la source d’inspiration de la pratique et de la psychologie bouddhistes. (...)
Dans la vision bouddhiste, les problèmes que nous rencontrons sont considérés comme des imperfections passagères et superficielles qui recouvrent notre bonté primordiale. Ce point de vue est positif et optimiste mais, encore une fois, nous devons souligner qu’il n’est pas purement conceptuel. Il prend racine dans l’expérience de la méditation et dans la santé qu’elle fait émerger. Il y a des schémas névrotiques habituels mais temporaires qui se développent à partir du passé, toutefois on peut les voir et couper à travers eux.
L’attitude issue de l’orientation et de la pratique bouddhistes est assez différente de celle supposée par la "mentalité de la faute". L’on expérimente pour de bon son esprit comme fondamentalement pur, c’est-à-dire sain et positif, et les soi-disant "problèmes" comme des souillures temporaires et superficielles. Un tel point de vue n’implique bien sûr pas de se débarrasser des problèmes, mais bien plutôt de déplacer notre attention et pour ainsi dire d’ouvrir notre focale. Les problèmes sont vus dans le contexte bien plus vaste de la santé : ainsi on commence à relâcher son emprise, son accrochement à sa propre névrose, à dépasser l’obsession et l’identification qui s’ensuivent. L’accent n’est plus porté sur les difficultés en tant que telles, mais bien plutôt sur le terrain même de l’expérience, grâce à la réalisation de la nature de l’esprit. Lorsque les problèmes sont envisagés de cette manière, il y a moins de panique et tout semble plus travaillable. Chaque fois que les problèmes surgissent, au lieu de les considérer comme des menaces pures et simples, ils deviennent des situations d’apprentissage, de nouvelles opportunités de découvrir davantage son propre esprit, et de poursuivre son exploration.
Dans la vision bouddhiste, les problèmes que nous rencontrons sont considérés comme des imperfections passagères et superficielles qui recouvrent notre bonté primordiale. Ce point de vue est positif et optimiste mais, encore une fois, nous devons souligner qu’il n’est pas purement conceptuel. Il prend racine dans l’expérience de la méditation et dans la santé qu’elle fait émerger. Il y a des schémas névrotiques habituels mais temporaires qui se développent à partir du passé, toutefois on peut les voir et couper à travers eux.
L’attitude issue de l’orientation et de la pratique bouddhistes est assez différente de celle supposée par la "mentalité de la faute". L’on expérimente pour de bon son esprit comme fondamentalement pur, c’est-à-dire sain et positif, et les soi-disant "problèmes" comme des souillures temporaires et superficielles. Un tel point de vue n’implique bien sûr pas de se débarrasser des problèmes, mais bien plutôt de déplacer notre attention et pour ainsi dire d’ouvrir notre focale. Les problèmes sont vus dans le contexte bien plus vaste de la santé : ainsi on commence à relâcher son emprise, son accrochement à sa propre névrose, à dépasser l’obsession et l’identification qui s’ensuivent. L’accent n’est plus porté sur les difficultés en tant que telles, mais bien plutôt sur le terrain même de l’expérience, grâce à la réalisation de la nature de l’esprit. Lorsque les problèmes sont envisagés de cette manière, il y a moins de panique et tout semble plus travaillable. Chaque fois que les problèmes surgissent, au lieu de les considérer comme des menaces pures et simples, ils deviennent des situations d’apprentissage, de nouvelles opportunités de découvrir davantage son propre esprit, et de poursuivre son exploration.
Par la pratique associée à l’étude, on fait l’expérience de la santé inhérente à l’esprit, le nôtre et celui des autres. On peut voir que nos problèmes ne sont pas enracinés si profondément que ça. On remarque qu’on peut vraiment faire des progrès. On découvre que l’on devient plus attentif et plus présent, on développe plus de santé et de clarté au fur et à mesure qu’on avance. C’est extrêmement encourageant.
Cette orientation qui privilégie la santé et la bonté provient de l’expérience de l’absence d’ego, une notion qui pose un certain nombre de difficultés aux psychologues occidentaux. L’absence d’ego ne signifie pas que rien n’existe, comme certains l’ont pensé. Il ne s’agit pas d’une forme de nihilisme. Cela signifie au contraire que vous pouvez lâcher prise de vos schémas névrotiques habituels et que, quand vous lâchez prise, vous le faites vraiment. Vous ne recréez pas une autre coquille immédiatement après. L’absence d’ego, c’est avoir suffisamment confiance pour ne pas du tout reconstruire et c’est faire l’expérience de la santé et de la fraîcheur provenant du fait de ne pas se terrer dans un cocon. La vérité de l’absence d’ego ne peut être pleinement expérimentée qu’à travers la pratique de la méditation.
L’expérience du non-ego encourage une véritable empathie à l’égard des autres. On ne peut avoir d’empathie réelle ou de compassion à partir de l’ego, parce qu’alors elle serait fatalement accompagnée par certains mécanismes de défense. Par exemple si votre ego était en jeu, vous pourriez tenter de ramener à votre propre territoire ce qui se passe dans le travail avec quelqu’un d’autre. L’ego interfère avec la possibilité d’une communication véritablement directe, qui est est de toute évidence essentielle dans le processus thérapeutique. L’absence d’ego rend tout le processus de travail avec les autres authentique, généreux et libre dans sa forme. C’est la raison pour laquelle, dans la tradition bouddhiste, on dit que, sans absence d’ego, il est impossible de développer une compassion véritable.
Cette orientation qui privilégie la santé et la bonté provient de l’expérience de l’absence d’ego, une notion qui pose un certain nombre de difficultés aux psychologues occidentaux. L’absence d’ego ne signifie pas que rien n’existe, comme certains l’ont pensé. Il ne s’agit pas d’une forme de nihilisme. Cela signifie au contraire que vous pouvez lâcher prise de vos schémas névrotiques habituels et que, quand vous lâchez prise, vous le faites vraiment. Vous ne recréez pas une autre coquille immédiatement après. L’absence d’ego, c’est avoir suffisamment confiance pour ne pas du tout reconstruire et c’est faire l’expérience de la santé et de la fraîcheur provenant du fait de ne pas se terrer dans un cocon. La vérité de l’absence d’ego ne peut être pleinement expérimentée qu’à travers la pratique de la méditation.
L’expérience du non-ego encourage une véritable empathie à l’égard des autres. On ne peut avoir d’empathie réelle ou de compassion à partir de l’ego, parce qu’alors elle serait fatalement accompagnée par certains mécanismes de défense. Par exemple si votre ego était en jeu, vous pourriez tenter de ramener à votre propre territoire ce qui se passe dans le travail avec quelqu’un d’autre. L’ego interfère avec la possibilité d’une communication véritablement directe, qui est est de toute évidence essentielle dans le processus thérapeutique. L’absence d’ego rend tout le processus de travail avec les autres authentique, généreux et libre dans sa forme. C’est la raison pour laquelle, dans la tradition bouddhiste, on dit que, sans absence d’ego, il est impossible de développer une compassion véritable.
La pratique thérapeutique
La tâche du thérapeute est d’aider les patients à se reconnecter à leur bonté et à leur santé fondamentales. Des patients potentiels viennent à nous avec un fort sentiment d’aliénation et de misère intérieure. Nous devons leur pointer ce terrain fondamental de santé qui existe en eux et cela est plus important encore que de leur donner une batterie de techniques pour combattre leurs problèmes. On pourrait penser que c’est beaucoup demander, surtout lorsque l’on est confronté au travail avec quelqu’un qui a tout un historique de problèmes et de difficultés. Mais la santé de base de l’esprit est en fait à portée de main et peut être facilement expérimentée et encouragée.
Pour cela, il va sans dire que le thérapeute doit d’abord commencer par faire l’expérience de son propre esprit de cette manière. A travers la méditation, la clarté et la chaleur envers soi-même ont la place de se développer et elles peuvent ensuite être étendues à l’extérieur. Ainsi la méditation et l’étude fournissent la base de travail à partir de laquelle rencontrer les personnes perturbées, les autres thérapeutes, et soi-même dans le même temps. Manifestement, il n’est pas tant question ici de perspective théorique ou conceptuelle, mais de la manière dont nous expérimentons notre propre vie. Notre existence peut être vécue entièrement et pleinement, de façon à apprécier d’être un humain authentique et vrai. Voilà le sentiment que nous pouvons communiquer aux autres et encourager en eux.
Pour cela, il va sans dire que le thérapeute doit d’abord commencer par faire l’expérience de son propre esprit de cette manière. A travers la méditation, la clarté et la chaleur envers soi-même ont la place de se développer et elles peuvent ensuite être étendues à l’extérieur. Ainsi la méditation et l’étude fournissent la base de travail à partir de laquelle rencontrer les personnes perturbées, les autres thérapeutes, et soi-même dans le même temps. Manifestement, il n’est pas tant question ici de perspective théorique ou conceptuelle, mais de la manière dont nous expérimentons notre propre vie. Notre existence peut être vécue entièrement et pleinement, de façon à apprécier d’être un humain authentique et vrai. Voilà le sentiment que nous pouvons communiquer aux autres et encourager en eux.
Un des obstacle majeurs dans l’aide apportée à nos patients pour aller dans cette direction, est encore une fois la notion de faute, et la préoccupation tournée vers le passé qui en résulte. Nombre de nos patients voudraient se défaire de leur passé, le résoudre. Mais cette approche peut s’avérer dangereuse si elle va trop loin. Si vous commencez de suivre ce fil, vous devrez en revenir avant votre naissance, à votre conception même, puis aux histoires de votre famille avant cela, à vos arrière-grands-parents, et ainsi de suite sans fin. Cela peut remonter fort loin et devenir très compliqué.
Le point de vue bouddhiste met l’accent sur l’impermanence et le côté transitoire des choses. Le passé n’est plus, le futur n’a pas encore eu lieu, ainsi nous travaillons avec ce qui est ici, la situation présente. Ceci nous aide à ne pas catégoriser ou théoriser. Une situation fraîche et vivante prend place tout le temps, sur-le-champ. Avec cette approche qui ne catégorise pas, on est totalement présent plutôt que d’essayer de prolonger un évènement passé. Nous n’avons pas à regarder le passé pour voir de quoi nous et les autres sommes faits. Les choses parlent d’elles-mêmes ici et maintenant.
Le point de vue bouddhiste met l’accent sur l’impermanence et le côté transitoire des choses. Le passé n’est plus, le futur n’a pas encore eu lieu, ainsi nous travaillons avec ce qui est ici, la situation présente. Ceci nous aide à ne pas catégoriser ou théoriser. Une situation fraîche et vivante prend place tout le temps, sur-le-champ. Avec cette approche qui ne catégorise pas, on est totalement présent plutôt que d’essayer de prolonger un évènement passé. Nous n’avons pas à regarder le passé pour voir de quoi nous et les autres sommes faits. Les choses parlent d’elles-mêmes ici et maintenant.
Bouddhisme et psychologie occidentale
Lorsque j’étais étudiant à Oxford, j’ai été impressionné par certains points forts de la psychologie occidentale. Elle est ouverte à de nouveaux points de vue et à de nouvelles découvertes et elle maintient une attitude critique envers elle-même. Et il s’agit de la discipline intellectuelle occidentale qui est le plus basée sur l’expérience.
Mais en même temps, du point de vue de la psychologie bouddhiste, il y a vraiment quelque chose qui manque dans son approche. Cet élément manquant, comme nous l’avons suggéré dans toute cette présentation, est la reconnaissance de la primauté à accorder à l’expérience immédiate. En cela le bouddhisme présente un défi essentiel aux thérapeutiques occidentales, et offre un point de vue et une méthode qui pourraient révolutionner la psychologie occidentale.
Chögyam Trungpa, 1982.
Chögyam Trungpa, 1982.
Extraits de l’article “The Meeting of Buddhist and Western Psychology”, édité par Nathan Katz dans The Naropa Journal of Contemplative Psychology, Volume IV, texte publié en 2005 par les éditions Shambhala dans l’ouvrage The Sanity We are Born With. L'ouvrage de Trungpa n'est pas encore publié en France. Traduction libre pour l'usage personnel des lecteurs francophones.
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